vendredi 12 octobre 2012

Cet article, premier d'une série de trois, est publié le 12 octobre 2012 sur le site Alliance Géostratégique.
http://alliancegeostrategique.org/



Compresser pour Régner – Acte I/III



Le développement de notre civilisation technologique induit une course effreinée à l'information, autant dans sa forme que dans sa vitesse de circulation.
Les volumes d'informations toujours croissants nous obligent à optimiser sa diffusion notamment par la compression des messages, au prix parfois d'une perte de sens.
Une question naturelle émerge alors :

L'information réduite est-elle nécessairement réductrice ?

On réunit ici quelques éléments d'analyse permettant de se forger une idée plus précise sur cette tendance qui impacte de nombreux secteurs, en particulier celui de la finance.
« Les jaunes sont verts »
Avant d'examiner les enjeux, succès et limites de la compression, arrêtons-nous un instant sur un tweet rédigé début septembre par un trader expatrié et facétieux :
« Les jaunes sont verts »
Je demande au lecteur, dans toute sa clémence, de bien vouloir m'excuser pour le sens péjoratif du terme « jaune » employé.
18 lettres et 4 mots pour ce tweet qui peut paraître elliptique s'il est sorti de son contexte ;
Il s'agit à l'origine de la reformulation compressée du message suivant :
«  Le gouvernement Chinois a adopté une loi de nature écologique »
Cette fois, en 52 lettres et 10 mots, l'ambiguité initiale est levée et il ne reste plus qu'à suivre le lien hypertexte pour prendre connaissance de la nature exacte de la loi adoptée.
Le taux de compression peut s'écrire 18/52 , soit environ un tiers.
Avec cette phrase, « les jaunes sont verts », on parvient au dernier niveau de compression possible ; celui-ci induit une perte d'information et une ambiguité si le message n'est pas associé à son contexte, mais le noyau de l'information initiale, bien que dégradé, subsiste.
L'optimum est atteint car si l'on retire encore un mot, par exemple verts, la phrase restante « les jaunes sont » perd tout son sens, l'information a disparu (idem pour les trois autres mots).
On conçoit alors facilement une structuration de l'information sous la forme d'un cône contenant dans ses sections les plus larges l'information complète, précise, sans ambiguité, puis les différents niveaux de compression dans les sections de cône plus étroites et pour finir l'information finale, fortement dégradée à la pointe du cône; chaque niveau étant relié au suivant par une fonction de compression ou un lien de type hypertexte par exemple.
C'est typiquement ce type d'architecture que l'on retrouve dans les flux d'informations circulant sur twitter.


La compression selon Homo Sapiens
On retrouve sur les parois de la grotte Chauvet, de la grotte de Limeuil en Dordogne, ou celle des trois frères en Ariège, des représentations compressées de mouvements de cheveaux ou de lions, peintes il y a près de 30 000 ans.
Les conventions graphiques utilisées à l'époque sont proches de celles adoptées par la BD ou le cinéma, en superposant différentes prises de vues lors du déplacement.
L'impression de mouvement est renforcée lorsque l'on approche des fresques une source lumineuse, par le jeu d'hombre et de vacillement de flamme.
Homo Sapiens a volontairement cherché à compresser sa représentation sans dégrader l'information initiale.











 
 

 
 
 


Scène de lions bondissant – grotte Chauvet -32000 ans

A partir du VII siècle avant J.-C, en Grèce, à l'ère des présocratiques, puis dans les siècles suivants, l'art de l'aphorisme s'est déployé : la formule courte et efficace était très à la mode, obligeant les philosophes de l'époque à reformuler en compressant sans perdre le sens premier de leur pensée.
Plus près de nous, Nietzsche aimait à juxtaposer des maximes courtes puis les croisait pour obtenir un résultat compilé plus profond ; c'était là encore une forme de compression.

L'art contemporain nous offre lui aussi de beaux exemples de compression avec les oeuvres militantes de Cesar ou d'Arman au début des années 60 visant à briser les codes et limites établies.

 
 
 
 
















Compression d'une moto Honda par Cesar

L'acte de compression se retrouve partout, à travers le temps et l'espace, déformant parfois l'information jusqu'à sa perte.


Le comprimé d'aujourd'hui
La forme courte semble parfaitement adaptée à notre époque.
Il s'agit de faire du bref et percutant presque partout, « time is money », c'est ce qu'on applique dans la publicité, dans les émissions très courtes de tv de type zapping, dans certaines émissions politiques (où il est exclu d'émettre une idée durant plus de 3 minutes); dans la forme de certaines conférences scientifiques: celles du TED (Technology Entertainment Design) n'excèdent jamais les 18 minutes montre en main.
Les communications SMS, les tweets n'échappent pas à cette régle : 140 caractères maximum pour twitter, nous verrons dans un second billet ce que cela implique sur la nature et la forme de l'information transportée.
Le fluide d'information circulant sur twitter peut alors paraître terriblement superficiel et réducteur.
Peut-être ! Mais il participe à un mouvement de fond en tant que nouvelle forme de diffusion de l'information.
Analysé via un outil algorithmique pertinent, ce flot d'informations compressées peut devenir un baromètre particulièrement fiable lors d'une prévision :
Un exemple suffisament éloquent est l'étude récente réalisée lors de l'introduction en bourse de Facebook ;
Cette étude a mis en lumière une forte corrélation entre l'évolution en temps réel du cours de l'action Facebook et une mesure du sentiment du public sur twitter au regard de cet événement.

La courbe twitter précède et annonce celle du cours de l'action facebook...
 






 
 
 
 






Dans les billets – acte II III-, nous nous pencherons sur l'aspect théorique de la compression de l'information, sur les définitions sous-jacentes et les résultats limitant l'efficacité d'une compression.

Nous montrerons en particulier et de façon élémentaire qu'il existe des messages incompressibles quel que soit le type de compression envisagé!

Ce premier article pèse 714 Ko en format OpenOffice et peut certainement se compresser...




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